Mamadou Cissokho dans les locaux parisiens de SOLIDARITÉ |
Le 20 avril 2011, Mamadou Cissokho, président honoraire du ROPPA[1] a rencontré l’équipe de SOLIDARITÉ au sein de ses locaux. Ce paysan hors du commun, interlocuteur incontournable des institutions africaines et internationales et auteur de Dieu n’est pas un paysan (2009), nous donne son point de vue sur les questions de souveraineté alimentaire.
« Le message principal du ROPPA est lié directement à sa mission : les paysans doivent s’organiser de façon consciente pour promouvoir la souveraineté alimentaire, en ayant conscience qu’il n’y a pas d’autres alternatives.
En effet, nous ne se focalisons pas sur la seule question de disponibilité et d’accès à la nourriture, qui ne nous satisfait pas. Ce n’est pas parce qu’il y a du blé et du soja sur le marché mondial que cela nous intéresse. Telle est la différence entre la sécurité et la souveraineté alimentaire. Cette dernière pourrait se résumer ainsi : nous voulons bien vivre, et tranquillement, en nous alimentant grâce à nos ressources. D’ailleurs, bon nombre de nos productions ne se trouvent pas sur le marché mondial. Elles restent chez nous, et sont une vraie spécificité. De plus, ces produits représentent 80% de nos valeurs culinaires. Il existe en effet un lien fort en Afrique de l’Ouest entre culture et habitudes alimentaires. Il faut donc penser notre stratégie agricole comme un tout, associé à notre culture et notre identité.
Mamadou Cissokho et Jacques Berthelot, expert à SOLIDARITÉ |
Cet effort nous prémunirait d’importations massives non pertinentes à l’origine de dangereuses dépendances. Le blé est clairement une de nos principales préoccupations. Il n’existe pas de production en Afrique malgré de nombreux tests français qui n’ont rien donné. Pourtant, la consommation de blé s’est développée par la transmission des habitudes alimentaires françaises mais aussi et surtout car c’est une céréale facile à transformer. Ce qui souligne entre parenthèses un de nos problèmes majeurs : nous ne transformons pas nos produits locaux et un réel effort doit être fait dans ce sens. Nous avons subi un vrai test grandeur nature en 2008 lorsque l’insécurité alimentaire s’est accentuée et des émeutes de la faim ont émergé en réaction. Et s’il arrivait la même chose avec l'explosion du prix du blé ? Il est clair que cet évènement a été un vrai électrochoc, qui, combiné au travail de sensibilisation des organisations paysannes, a contribué à modifier l’image des produits locaux en Afrique de l’Ouest. La Fédération Nationale des Boulangers Sénégalais notamment est convaincue aujourd’hui de l’intérêt des céréales locales pour pérenniser l’emploi des boulangers et diminuer leur dépendance au marché mondial. Cette conviction fait résonance aux actions du CNCR, plateforme des organisations paysannes sénégalaises, qui a lancé une campagne de plantation de 500 ha de sorgho blanc, idéal pour être incorporé dans les produits à base de blé.
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