A l'heure où les prix agricoles s'envolent sur les marchés boursiers, SOLIDARITÉ réaffirme son engagement envers la souveraineté alimentaire, en promouvant les ressources locales.
C'est le message que SOLIDARITÉ a porté durant le FSM de Dakar au mois de février 2011, en s'appuyant sur la création d'un espace d'artisanat alimentaire.
C’est la richesse et les suites de cette expérience que nous voulons partager avec vous sur ce blog, en attendant la mise en œuvre de projets de long terme en partenariat avec les organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest...
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28 avril 2011

Moment d'échange entre Mamadou Cissokho et l'équipe de SOLIDARITÉ

Mamadou Cissokho dans les locaux parisiens de SOLIDARITÉ

Le 20 avril 2011, Mamadou Cissokho, président honoraire du ROPPA[1] a rencontré l’équipe de SOLIDARITÉ au sein de ses locaux. Ce paysan hors du commun,  interlocuteur incontournable des institutions africaines et internationales et auteur de Dieu n’est pas un paysan (2009),  nous donne son point de vue sur les questions de souveraineté alimentaire.
« Le message principal du ROPPA est lié directement à sa mission :   les paysans doivent s’organiser de façon consciente  pour promouvoir la souveraineté alimentaire, en ayant conscience qu’il n’y a pas d’autres alternatives. 
En effet, nous ne se focalisons pas sur la seule question de disponibilité et d’accès à la nourriture, qui ne nous satisfait pas. Ce n’est pas parce qu’il y a du blé et du soja sur le marché mondial que cela nous intéresse.  Telle est la différence entre la sécurité et la souveraineté alimentaire.  Cette dernière pourrait se résumer ainsi : nous voulons bien vivre, et tranquillement, en nous alimentant grâce à nos ressources. D’ailleurs, bon nombre de nos productions ne se trouvent pas sur le marché mondial. Elles restent chez nous, et sont une vraie spécificité.  De plus, ces produits représentent 80% de nos valeurs culinaires.  Il existe en effet un lien fort en Afrique de l’Ouest entre culture et habitudes alimentaires. Il faut donc penser notre stratégie agricole comme un tout, associé à notre culture et notre identité.
Mamadou Cissokho et Jacques Berthelot, expert à SOLIDARITÉ
Cet effort nous prémunirait d’importations massives non pertinentes à l’origine de dangereuses dépendances. Le blé est clairement une de nos principales préoccupations. Il n’existe pas de production en Afrique malgré de nombreux tests français qui n’ont rien donné.  Pourtant, la consommation de blé s’est développée par la transmission des habitudes alimentaires françaises mais aussi et surtout car c’est une céréale facile à transformer. Ce qui souligne entre parenthèses un  de nos problèmes majeurs : nous ne transformons pas nos produits locaux et un réel effort doit être fait dans ce sens.  Nous avons subi un vrai test grandeur nature en 2008 lorsque l’insécurité alimentaire s’est accentuée et des émeutes de la faim ont émergé en réaction. Et s’il arrivait la même chose avec l'explosion du prix du blé ? Il est clair que cet évènement a été un  vrai électrochoc, qui, combiné au travail de sensibilisation des organisations paysannes, a contribué à modifier l’image des produits locaux en Afrique de l’Ouest. La Fédération Nationale des Boulangers Sénégalais notamment est convaincue aujourd’hui de l’intérêt des céréales locales pour pérenniser l’emploi des boulangers et diminuer leur dépendance au marché mondial. Cette conviction fait résonance aux actions du CNCR, plateforme des organisations paysannes sénégalaises, qui a lancé une campagne de plantation de 500 ha de sorgho blanc, idéal pour être incorporé dans les produits à base de blé.
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C’est donc bien de notre identité qu’il s’agit lorsqu’on défend la souveraineté alimentaire. Elle concerne nos habitudes de consommation mais aussi de commercialisation. Par exemple, dans notre région, il faut savoir que nous fonctionnons avec DES marchés et non pas  UN marché mondial. Rien n’est uniformisé, tout est segmenté et localisé. D’un autre côté, l’alimentation est un problème qui doit se poser à plusieurs échelles : au niveau de l’individu, des collectivités et de l’Etat. Le chapeau régional (via la zone UEMOA dans le cas qui nous intéresse) doit agir comme un facilitateur. Enfin, le niveau international doit permettre que l’on s’accorde pour ne pas tout déréguler, sans uniformiser. Or, actuellement, les accords négociés au niveau de l’OMC et de l’Union Européenne (APE) sont bien loin de faire le consensus. Cet objectif reste illusoire de toute façon selon moi, car les spécificités doivent absolument être prises en compte. La définition d’un prix unique au niveau mondial notamment (prix de la tonne de blé en bourse par exemple) est une erreur : le juste prix dépend de l’investissement qu’a fourni la personne et comprend un « petit plus » pour lui permettre de vivre correctement. Or, cet investissement, autant que « le petit plus »,  diffèrent considérablement selon les pays : les conditions de travail et le niveau de vie sont loin d’être identiques entre un agriculteur français et un paysan béninois par exemple !
Mamadou Cissokho, Jacques Berthelot et Clotilde Bato (directrice de SOLIDARITÉ)







Finalement, le système de production et de développement capitaliste et mondialisé s’impose à ses alternatives car il est considéré comme le plus compétitif. Mais qu’est-ce que nous y gagnons ? L’Occident oublie que son modèle s’est appuyé sur une double révolution au XIXe siècle : agricole et industrielle. Si ça ne marchait pas en milieu rural, les habitants étaient absorbés par les industries en recherche de main-d’œuvre. Ce schéma n’est pas possible chez nous où il y a peu d’industries performantes. Le modèle de développement généralisé y est par conséquent impossible à plaquer.  
Il faut donc rediscuter autour du système de production à valoriser en Afrique de l’Ouest  dans la logique de l’acceptation d’un monde diversifié. »


[1] http://www.roppa.info/: plateforme régionale regroupant les organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest et visant à permettre l’échange d’expériences et le regroupement des forces paysannes.
 

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