A l'heure où les prix agricoles s'envolent sur les marchés boursiers, SOLIDARITÉ réaffirme son engagement envers la souveraineté alimentaire, en promouvant les ressources locales.
C'est le message que SOLIDARITÉ a porté durant le FSM de Dakar au mois de février 2011, en s'appuyant sur la création d'un espace d'artisanat alimentaire.
C’est la richesse et les suites de cette expérience que nous voulons partager avec vous sur ce blog, en attendant la mise en œuvre de projets de long terme en partenariat avec les organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest...
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5 janvier 2011

"Mangeons Local" - Agri Infos

Par Madieng Seck, Directeur de publication du mensuel Agri Infos
Article publié dans la Newsletter Slow Food (consultable ici)


"Tout projet mis en œuvre en Afrique, doit être géré par les Africains"
Carlo Pétrini, Président de Slow Food 

La ‘’Révolution alimenterre’’ des élèves de Dakar.
‘’Mangeons local’’ est un projet du Convivium ‘’Lek Mégnef Sénégal’’ qui l’enseigne aux élèves de Dakar. Un projet initié depuis 2008 et financé par la Fondation Slow Food pour la biodiversité. Leçons théoriques et pratiques, contes et légendes sur les céréales locales ont permis aux élèves de convaincre leurs parents sur la nécessité du consommer local. Le projet est une sorte d’invite de retour aux sources fondée sur la philosophie de Slow Food. En Afrique, manger ‘’Slow’’ est aussi ancré dans les traditions alimentaires où la famille, prend ensemble les repas autour de la calebasse. Un moment fort de communion entre gens de la terre, un moment de partage et de brassage, un moment intime d’éducation. ‘’Celui qui refuse de partager notre repas avec nous ne sera jamais des nôtres’’, dit un adage ouolof. Une vraie ‘’révolution alimenterre’’ qui se termine chaque année par une fête des élèves.

Sitôt les premières leçons sur les céréales locales terminées, la gamine passe à l’action. Fatmata Diaraye, 12 ans, élève en classe de CM1 à Dakar, n’a pas attendu longtemps pour mesurer les bienfaits du projet ‘’Mangeons Local’’. Chez elle, Fatmata propose à sa maman de remplacer le petit déjeuner à la française (baguette parisienne, café) par une bouillie à base de granulés de maïs local. Dans la famille tout le monde apprécie. Le papa, tiraillé de toute part par la cherté des aliments importés (riz, lait en poudre, etc), salue l’initiative de son enfant. ’’Après la dégustation tout le monde m’a encouragée, mes parents m’ont dit de continuer’’, se réjouit Fatmata.
Quelques semaines plus tard, Fatmata et sa camarade de classe Sira se cotisent pour essayer une autre recette, celle de fonio (digitaris Exilis) à la sauce viande. A l’autre école de Liberté V, également partenaire du projet, l’engouement des enfants était similaire. ‘’On va montrer aux mamans tout ce qu’on sait faire avec les
céréales locales’’, disait, décontractée, Bigué Sarr, élève dans cette école.

Auparavant, les filles, comme les garçons, avaient appris auprès de Bineta Diallo, la restauratrice du projet, comment préparer des plats à base de céréales locales. Ils se permettaient même d’inviter leurs parents aux séances de dégustation.
...



Au Sénégal, l’Association internationale Slow Food et sa Fondation pour la biodiversité ont permis à la réalisation de ce projet destiné à vulgariser les plats locaux à travers des enseignements et des animations. Un travail passionnant ponctué de moments musicaux avec les tubes des stars sénégalaises Ismaël Lô et Youssou Ndour qui ont eu à chanter le paysan et son rôle dans la société. 
‘’Mangeons Local’’ entre ainsi en droite ligne dans la philosophie de Slow Food qui est un vaste mouvement mondial qui oeuvre pour une agriculture durable et une alimentation saine, propre et juste. En opposition à la Fast Food, Slow Food, qui défend la biodiversité alimentaire, considère la gastronomie, à juste raison d’ailleurs, comme un lien entre politique, agriculture et environnement. Ce faisant, elle prône les plaisirs d’une nourriture lente et conviviale fondés sur la connaissance et le respect des traditions des producteurs, des transformateurs de produits agricoles et des restaurateurs.
Pourtant, manger ‘’Slow’’ est aussi bien ancré dans les traditions alimentaires d’Afrique où la famille, le village prend ensemble les repas autour de la calebasse. Un moment fort de communion entre gens de la terre, un moment de partage, de brassage, un moment intime d’éducation et de raffermissement des liens de parentés
et d’amitiés ; ‘’Celui qui refuse de partager notre repas avec nous ne sera jamais des nôtres’’, dit un adage ouoloff. 
A Dakar, ce projet test, d’un coût de plus de 10 000 dollars, est destiné à sensibiliser une centaine de petits écoliers (garçons et filles) sur la nécessité de consommer local. Il comporte un volet théorique axé sur un enseignement des connaissances des céréales locales et un volet pratique d’initiation à l’art culinaire autour duquel les élèves apprennent comment préparer une nourriture saine et propre.
Saine et propre. Oui ! C’est ce que Bineta Diallo a bien fait d’apprendre aux élèves.
Ainsi dès le début du projet, Bineta avait sorti les fameuses ‘’5 M’’ de l’hygiène en cuisine : M comme milieu (une cuisine doit être toujours propre), M comme matière (les aliments doivent l’être et avant tout bien lavés), M comme manipulateur (celui ou celle qui entre dans une cuisine pour y travailler doit avoir le corps en bonne
santé et porter des habits propres ), M comme le matériel, (itou) et enfin M comme la méthode, (une démarche saine et lente pour arriver à cuisiner et servir un bon plat succulent).
Au début du projet, les élèves ne savaient énumérer ni céréales locales, ni plats traditionnels. A la question ‘’Qu’est ce que le consommer local ?’’, l’un d’eux avait répondu c’est manger ouoloff, (une ethnie du Sénégal dont la langue est la plus véhiculée dans les villes : Ndlr) ‘’Mais si on mange toucouleur ou diola, qui sont d’autres ethnies du Sénégal, on mange local aussi’’, explique avec humour l’animateur du projet.
Au Sénégal, c’est la colonisation française qui avait introduit, depuis le 19 ème siècle, une consommation alimentaire basée sur le riz importé, la farine de blé pour fabriquer la baguette de pain, le lait, etc. Aujourd’hui, les 12 millions de Sénégalais qui n’aiment manger que du riz asiatique, jusqu’en faire leur plat national, le fameux ‘’thiéboudieune’’ (riz au poisson), sont tombés dans des habitudes alimentaires extraverties. Ils importent pour leur consommation 800 000 t de riz chaque année venues d’Indochine, du Vietnam ou de Thaïlande. S’y ajoutent les importations de farine de blé ainsi que du lait en poudre estimées à plus de 30 milliards de F cfa, ( 53 millions d’euros) chaque année.
Avec la crise alimentaire mondiale et le renchérissement des prix des céréales sur le marché international, importer tout ce que l’on mange c’est se faire harakiri. Car, comme écrivait déjà en 1825 Jean Anthelme Brillat Savarin dans La Physiologie du Goût ‘’le destin d’une nation dépend de la manière dont elle se nourrit’’. Au Sénégal il est donc est temps que les gens comprennent qu’ils peuvent prendre une bouillie de mil le matin ou d’une tasse de quinquéliba avec du pain local ‘’tapa lapa’’ à base d’un mélange de farine de maïs (65%) et de blé (35%). Le Sénégalais ‘’prend son petit déjeuner à Paris, son déjeuner à Hong Kong et son diner à Rome…’’, critiquait un journaliste dakarois, allusion faite aux origines des types de repas pris dans la journée. Mais à Dakar, la ‘’Révolution alimenterre’’ des enfants a enclenché un nouveau processus. Et Bigué de ressasser une formule apprise du projet : ‘’Quand on consomme sénégalais, on enrichit le paysan sénégalais et non les fermiers européens, les riziculteurs vietnamiens ou thaïlandais’’. 
Autant de formules que les élèves ont compris pour influencer parents et camarades du quartier. Le ‘’Mangeons Local 2’’ de cette année s’y atèle encore au rythme des contes et des proverbes, mais aussi au rythme de la musique…hip hop. En attendant la fête de fin d’année scolaire celle dite ‘’Fête du Mangeons Local’’.

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